Mémoires d'Hervé Clérel comte de Tocqueville, 1772-1856
Ce texte, agréable à lire, servi par une belle langue, nous livre des points de vue originaux sur quelques grands personnages de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle, comme Malesherbes, Chateaubriand, le duc d'Angoulême et bien d'autres encore. Il nous donne à voir un haut fonctionnaire et homme politique de la Restauration qui cherche à relire son action publique, et cela au-delà de l'échec d'un régime qu'il a voulu servir. Enfin, ces Mémoires ne sont pas sans résonner des échos de l'oeuvre d'Alexis de Tocqueville sur la démocratie qui vient.
Mes enfants me pressent d’écrire l’histoire de ma vie, j’y consens par égard pour eux, car elle n’ouvre d’intérêt que pour quelques circonstances de ma jeunesse et pour les rapports politiques que j’ai eus dans un âge plus avancé
C’est sous la monarchie de Juillet, entre 1834 et 1840, qu’Hervé de Tocqueville, retiré des affaires depuis la révolution de 1830, rédige ses Mémoires. Ce texte est destiné à ses fils, Hippolyte, Edouard et Alexis, le célèbre penseur et homme politique manchois.
Après un bref récit de sa jeunesse, le texte d’Hervé de Tocqueville couvre une période qui s’étend de 1793, date de son mariage avec la petite-fille de Louis de Malesherbes, le défenseur de Louis XVI durant son procès devant la Convention, jusqu’à la révolution de juillet 1830, les Trois Glorieuses qui aboutirent à l’abdication puis à l’exil du roi Charles X. Ce manuscrit constitue donc un témoignage inédit, d’un acteur situé aux premières loges des événements politiques de ce début du XIXe siècle : la Révolution française, le Premier Empire et la Restauration ; événements parfois méconnus qui marquent pourtant encore l’histoire de nos institutions.
En outre, justifiant son action publiques, Hervé de Tocqueville s’attarde sur sa fonction de préfet sous la Restauration, successivement dans les départements de Maine-et-Loire, de l’Oise, de la Côte-d’Or, de la Moselle, de la Somme et de Seine-et-Oise. Nommé pair de France par Charles X, en 1827, à la fin du long ministère Villèle, il voit se dégrader la situation politique et juge sévèrement le ministère Polignac ; de même que la nouvelle religiosité qui apparaît alors. Néanmoins, il reste indéfectiblement fidèle à son souverain.
Nos descendants, conclut-il, en parcourant notre histoire, comprendront avec peine que nous ayons pu survivre aux malheurs et aux agitations qui ont occupé notre carrière. Toutefois je me suis trouvé moins à plaindre que beaucoup d’autres, parce que j’ai toujours aimé la liberté, et que, profondément pénétré de l’égalité des hommes devant le Créateur, je n’ai jamais détesté dans l’égalité politique que les excès
Mémoires d’Hervé Clérel, comte de Tocqueville, 1772-1856
Archives départementales, Maison de l’histoire de la Manche
Conseil départemental de la Manche
2019, 512 p., 18 euros
ISBN : 978-2-86050-035-7